Article IESF, Ingénieurs et scientifiques de France
Au 3 Novembre dernier, selon le gouvernement, 7,3 millions de personnes avaient activé l’application «TousAntiCovid 2.1.0» et, le 24 novembre 2020, le Président de la République a annoncé que cette application avait été téléchargée par près de 10 millions de personnes. La problématique ici est de pouvoir détecter le plus rapidement possible des personnes en contact avec d’autres porteuses du Covid-19, sachant que certaines de ces personnes ne se connaissent pas.
Pour ce faire, le traçage des contacts ou «contact tracing» a été développé dans un grand nombre de pays par une application sur téléphone portable (smartphone)qui enregistre les contacts via une connexion «Bluetooth». Le gouvernement français a créé «Stop Covid». Cette réponse n’est pas vraiment satisfaisante, car il ne s’agit pas d’un enregistrement d’un contact certain, mais plutôt de la présence à proximité d’un autre smartphone.
Comment expliquer le fait que la nouvelle version «TousAntiCovid» ait été mieux acceptée que l’ancienne version «StopCovid», alors qu’elle est similaire en matière de traçage des contacts ? Est-ce seulement dû au contexte qui a changé ?
Je ne le pense pas : j’y vois deux points remarquables qui peuvent expliquer ce phénomène et constituer des pistes d’amélioration.
Un premier point remarquable est que cette nouvelle version offre davantage que du «contact tracing», à savoir de la traçabilité utile à son utilisateur. On retrouve ici une caractéristique classique dans l’acceptation d’un système de traçabilité par les utilisateurs: le bénéfice direct. Dans cette logique de traçabilité de l’utilisateur pour l’utilisateur, il est aussi connu que son action dans sa traçabilité est déterminante. Autrement dit, il serait peut-être intéressant d’abandonner le traçage automatique par «Bluetooth» au profit d’un mode de traçage piloté par l’utilisateur, par exemple via la lecture d’un code dans certains lieux ou l’activation du système de localisation GPS; ce qui éviterait alors toute utilisation excessive du smartphone et le risque cyber lié à l’activation de la connexion «Bluetooth». En raisonnant en traçabilité, cette application serait l’outil d’identification (ou identifiant de l’entité tracée) du système de traçabilité global qui est un écosystème composé de sites Internet, de brigades dans les ARS (Agences Régionales de Santé) et les CPAM (Caisses Primaires d’Assurance Maladie) et de toute autre structure (entreprise, école, établissement de santé, établissements recevant du public, administration…) intéressante pour tracer l’épidémie.
Ce premier point remarquable conduit à un deuxième, à savoir l’intérêt de continuer à innover pour lutter contre l’épidémie. Il n’est pas seulement question de mettre à jour cette application mais plutôt de l’adapter aux évolutions de l’épidémie et de définir une stratégie, au moins à moyen terme pour anticiper. La traçabilité des futures personnes vaccinées serait à prévoir, de même que différentes versions de cette application pour certaines catégories socioprofessionnelles plus exposées seraient à développer. Pourquoi ne pas tracer aussi les personnes qui ont des séquelles et aussi celles qui doivent s’isoler ? Et quid de la traçabilité des tests, des masques, des gels et des vaccins pour en assurer la qualité ?
En conclusion, encore une fois, la traçabilité est a priori vue comme contraignante, voire effrayante. Mais, on peut la positiver, car il s’agit d’un concept transversal qui peut devenir un terrain d’innovation.
Jean-Luc VIRUEGA, Docteur ingénieur en génie industriel, Traçabiliticien®, membre du comité Économie d’IESF
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